Xavier Staal, un berlinois à part entière
Après avoir hésité un moment entre des anciennes toilettes publiques transformées en restaurant à burgers et Le Transit, restaurant espagnol, notre choix s’est porté sur ce dernier et leurs typiques tortillas… Une fois le demi-litre de bière traditionnelle servi nous commençons à discuter comme de vieux potes, bercés par la résonance des conversations berlinoises adjacentes…
Tu es venu en Allemagne pour étudier, tu es finalement resté, pourquoi ?
C’était l’envie d’étudier à l’étranger et de faire quelque chose de nouveau. Mais aussi de m’intégrer dans une autre culture afin de changer ma routine. Et, c’était un petit challenge que de rester et de ne pas revenir à ce que je connaissais déjà.
Lucas Beaufort t’as fait découvrir la marque OLOW, qu’est-ce qui t’as donné envie de te lancer dans cette folle aventure ?
J’ai rencontré Lucas au Bright quelques saisons auparavant. On s’est connu à travers d’autres marques avec lesquelles je travaille. Du coup pour Olow en Allemagne, il a direct pensé à moi. J’ai aimé le côté bien habillé de la marque. Et pour moi cela signifiait passer à un niveau supérieur dans l’industrie du textile. J’ai toujours été attiré par la découverte, la nouveauté et le challenge. De plus, quand Mathieu te raconte l’histoire d’Olow, c’est plein de sincérité et d’authenticité.
Comment se comporte le marché allemand du textile par rapport aux marques françaises ?
L’allemand est relativement ouvert par rapport aux marques étrangères. Il respecte la France et trouve le travail des marques françaises très bien. On ressent une espèce de fraternité franco-allemande, un véritable respect du travail de l’autre. Quand tu présentes Olow aux allemands et que tu dis que c’est français, tout de suite tu ressens qu’ils ont un béguin pour ce qui provient de la France. Après si on trouve très peu de marques françaises en Allemagne aujourd’hui, c’est dû à leur arrivée récente sur le marché. Ce qui est d’ailleurs intéressant avec Olow est cette envie de développement à l’international.
Ton atelier, à la fois ton showroom, est entièrement construit à partir de bois de récupération ! D’où te vient cette passion pour le bricolage ?
J’ai toujours aimé ce qui est lié au travail manuel et dans le métier que l’on exerce, en tant que commercial, tu as besoin de changer d’air. Le bricolage m’aide à réfléchir, à créer et à avancer… Mon showroom est en bas de chez moi dans une petite arrière cours, dans le quartier de Friedrichshain. L’atelier est une ancienne grange à chevaux. C’est tout en pierre et nous avons entièrement rénové l’intérieur. À la base je l’ai pris pour faire du bricolage. Parce qu’à Berlin tu trouves toujours des choses dans la rue. Tu as juste à les ramener chez toi, faire un peu de décap’, une couche de peinture et hop tu as des meubles homemade ! Tu peux même en revendre ! Du coup mon atelier est multifonctionnel : bureau, showroom, stock ! C’est un espace vivant. Les gens peuvent passer boire un verre. On fait de la sérigraphie. Tout un tas de choses en fait.
Peux-tu m’en dire davantage sur le projet FLVR ?
Quand j’étais étudiant je voulais travailler en relation avec l’univers du skate. J’ai toujours privilégié les graphiques des boards au seul rapport avec les marques. Du coup l’idée de FLVR est de sortir des boards qui nous plaisent visuellement et de mettre en avant le côté artistique et graphique plutôt qu’un logo ou une marque. Aujourd’hui il y a beaucoup de choses, c’est placardé ! Tu achètes les marques et pas le travail qui a été fait derrière… Nous souhaitons mettre en avant cela, en faisant des collabs avec des artistes afin de réaliser des séries de boards intemporelles et d’exposer leurs oeuvres. Nous sortons un peu du système de collection en produisant les boards quand nous voulons par exemple. Après nous aimerions développer des t-shirts et pleins d’autres produits aussi. La prochaine collab se fera avec un artiste new-yorkais avec lequel nous aimerions éditer une BD. L’objectif de FLVR est de devenir un studio de créativité dans lequel on trouvera différents produits afin de s’adresser à un public plus large. Nous ne sommes pas cantonné au skate et restons ouvert à plein de choses dans notre quotidien. Ce projet marche pas mal en France, il existe aussi en Italie et maintenant en Allemagne.
Ton petit coin de paradis à Berlin où tu aimes aller skater?
Alors juste en bas de chez moi, à Warschauer Straße et à coté d’un spot mythique, il y a un coin abandonné, assez ghetto où les gens ont pu construire leurs propres modules en béton. Du coup, cet espace grossi de jour en jour. Après à Berlin il y a énormément de spots, c’est juste parfait ! C’est pour ça que je suis venu ici, pour ce côté street, artistique, et le skate. Je ne me vois pas aller dans un skatepark, je suis beaucoup plus à l’aise dans la rue. C’est là où j’ai appris le skate et c’est là où tu t’exprimes, où tu restes créatif ! Un ancien aéroport a également été ouvert au public et ils y ont construit une street plaza en recyclant toute la façade de l’ancien parlement de la RDA. Ils ont pris les blocs de granit et ils ont construit une plaza dédiée au skate. C’est plus une sculpture skatable qu’un skatepark. Ça se situe au sud de Berlin, à Tempelhof. Là-bas tu peux même aménager ton petit jardin à base de palettes et de matériaux de récup’. Tu peux y aller en vélo, tu traverses le canal, puis après la session, tu chilles, tu picoles des bières…Tu peux faire des barbecues aussi ! C’est la vie parfaite !
De quel côté de Berlin trainent la plupart des Artistes ? Quel est le dernier qui t’a vraiment marqué ?
Berlin est une ville en constante évolution. Depuis 1989 les quartiers se développent et les artistes bougent d’un quartier à l’autre en cherchant le moins popularisé et le plus abordable possible. Ça fait quelques années qu’ils sont partis au sud de Berlin à Neukölln. Pas mal de bars ont ouvert ces temps-ci. Aujourd’hui c’est de nouveau en transition puisque le quartier est entrain de devenir de plus en plus cher. Je pense qu’à Berlin la plupart des gens ne connaissent que 30% de la ville. Et il y a beaucoup à faire… Même si ça change il y a énormément de potentiel.
À défaut d’être un berlinois, le dernier artiste m’ayant marqué est le new-yorkais Jake Terrell, prochain collaborateur du projet FLVR. On a éprouvé une réelle affinité pour son trait de dessin et le caractère qu’il exprime.
Qu’est-ce qui est français et qui te manque le plus en Allemagne ?
En fait, depuis 5 ans la vie française s’imbrique à Berlin. On a tellement de choses françaises ici que finalement on a presque tout. Peut être qu’on manque de librairies… avec beaucoup de livres français !
Quels conseils donnerais-tu à un expatrié venant s’installer à Berlin ?
Berlin est une ville assez dure pour y vivre. Elle peut te bouffer rapidement… C’est une ville pauvre où il faut arriver à se faire un chemin. Ce n’est pas évident de trouver un job et un appartement. Il ne faut pas penser qu’à Berlin tout est beau, tout rose. C’est une fausse image de la ville… C’est dur de s’y implanter et de faire quelque chose de constant. Beaucoup de gens sont de passage, restent 6 mois, 1 an puis partent parce qu’ils n’en peuvent plus. Il est aussi très important de s’impliquer avec la mentalité et les formalités allemandes. Parfois il faut limite laisser son égo de côté pour comprendre que les choses fonctionnent à l’allemande ici… D’ailleurs, la plupart des gens finalement installés détestent les touristes de passage, venus clubber et pensant que Berlin est ultra cool. La fete ici n’est que l’illusion d’une belle vie facile.
Merci à Xavier Staal.
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