Bordelaise pur souche, Gabrielle Monceaux est une artiste illustratrice et plasticienne. Son inspiration prend racine dans la nature et la symbolique de certains objets et animaux. Artiste militante, elle ancre son travail dans les luttes féministes intersectionnelles et environnementales, dans l’espoir de parvenir à faire changer les cœurs et les esprits avec l’aide de ses crayons. Au printemps 2023, elle fonde Les Mains Rebelles, un atelier partagé à Bordeaux destiné aux créatrices, artisanes et artistes.
Salty Lands, pour elle, c’est l’Angleterre avec ses bords de mer, son folklore, et ses spécialités. Elle a directement tiré son inspiration de ses souvenirs de voyages outre-Manche, et nous livre aujourd’hui le mood board qui l’a habitée pour créer ses visuels.
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis bordelaise de naissance et je dessine depuis toute-petite. Ma mère, qui a fait l’école du Louvre et peint à ses heures perdues, m’a très tôt initiée à l’art : elle m’emmenait régulièrement voir des expositions et visiter des musées. Ma passion artistique s’est nourrie de là. J’ai même retrouvé récemment des carnets datant de mes 10 ans, où je notais mes tableaux préférés après chaque expo.
J’ai ensuite étudié le graphisme à Bordeaux, des années que j’ai adorées : créer des identités visuelles, réfléchir aux couleurs, aux typographies et à la mise en page les plus justes pour transmettre un message. Après mon diplôme, j’ai eu la chance de me lancer directement en tant qu'auto-entrepreneuse. J’ai vécu en Australie, en Angleterre puis à Amsterdam, tout en travaillant pour de nombreux clients, en France comme à l’international. En parallèle, j’ai peu à peu développé mon univers d’illustration, et je me suis rendu compte que c’était ce qui me passionnait le plus.
Comme lorsque j’étais enfant devant les œuvres des musées, le travail des autres artistes m’a beaucoup inspirée à me lancer. Grâce à Instagram, j’ai découvert le travail d’Inès Longevial, de Maria Medem ou encore de Charlotte Mei, que j’admire énormément. Charlotte Mei en particulier m’a donné envie d’explorer mon univers sur plusieurs supports.
J’aime autant le digital, qui offre une diversité d’options et une liberté d’expérimentation incroyable, que le travail traditionnel, qui apporte des accidents heureux et un lâcher prise très stimulant. De plus en plus, je prends plaisir à explorer des supports multiples : peinture à l’huile sur grande toile, céramique, lanternes en papier, fanions en tissu… Donner vie à mes illustrations sur d’autres objets que le papier me procure beaucoup de joie. C’est aussi ce qui me pousse à collaborer avec des marques textiles, et ce pourquoi j’ai été ravie de travailler avec Olow.
En 2023, tu as créé un atelier partagé, les Mains rebelles, tu peux nous expliquer de quoi il s’agit ?
Après plusieurs années de freelance assez solitaire en télétravail, après le Covid et de nombreux voyages, j’ai ressenti le besoin de revenir aux sources, là où j’avais grandi, tout en créant quelque chose de nouveau. C’est ainsi qu’est née l’idée, et l’opportunité, de fonder cet atelier partagé, qui est aujourd’hui mon lieu de travail et dont je suis très fière.
Les Mains Rebelles est un espace situé au cœur des Chartrons, qui réunit à la fois une boutique, un salon de tatouage, un espace dédié à des ateliers créatifs et des bureaux partagés. Nous sommes dix créatrices résidentes à occuper ce bel endroit : illustratrices, tatoueuses, créatrices de bijoux, photographe… Un véritable melting-pot de créativité où l’on s’entraide et se soutient au quotidien. Nous exposons et vendons nos créations dans la boutique, ainsi que des pièces réalisées par des créatrices extérieures.
On a fait le choix politique d’une non-mixité choisie, sans hommes cisgenres, afin de garantir un lieu sûr et bienveillant, libéré des injonctions patriarcales, racistes et LGBTQIA+phobes. C’est vraiment plus qu’un simple lieu de travail : on est toutes devenues amies, on s’épaule, on organise des événements, on défend nos luttes et on fait vivre un espace où chacun·e peut s’exprimer librement.
Tu dirais que ton engagement social et écologique à une influence sur ton travail ? Laquelle ?
Je me suis réellement intéressée à la politique en 2017, avec le mouvement Me Too. Ce moment a été un déclic : j’ai ouvert les yeux sur de nombreuses injustices sociales et écologiques, ce qui m’a donné envie de m’engager. Cela a profondément transformé ma vie, ma vision du monde… Et, naturellement, mon travail artistique. L’art a toujours eu une place importante dans les révolutions, et j’aime penser qu’il peut continuer à jouer ce rôle aujourd’hui.
Dans mes luttes, j’oscille entre un besoin de révolte et un besoin de repos, et je crois que cela se reflète beaucoup dans mes créations. Parfois, j’ai besoin de produire du beau, simplement pour apaiser les (et mon) cœurs et donner de l’espoir. D’autres fois, je ressens l’urgence de créer des œuvres plus engagées, qui portent un message fort.
En 2023, j’ai présenté ma première exposition à Paris, autour du thème des utopies féministes. Ce sujet ne m’a jamais quittée : il reste au cœur de mon travail aujourd’hui. Je suis convaincue que la création de récits de futurs bienveillants est plus que jamais nécessaire – qu’ils servent à convaincre les plus sceptiques ou à insuffler de la joie dans l’action militante.
Lorsque nous avons travaillé ensemble sur cette collection, tu as fait le lien avec l’Angleterre. D’où te vient cette passion pour ce pays ?
Honnêtement, je me pose souvent la question ! Je ne sais pas vraiment ce qui m’attire autant dans ce pays, j’ai du mal à le définir et à l’expliquer. J’ai grandi bercée par beaucoup de films et de séries britanniques, et j’écoute aussi énormément de musique anglaise, donc ça a sûrement joué. Les grandes étendues vertes, les forêts, les vallées, les chevaux, les moutons, le folklore, la musique celtique… Tout cela me touche profondément. Quand je suis en Angleterre, j’ai la sensation d’être chez moi, comme si j’avais été anglaise dans une autre vie.
Imaginons, ça y est, tu as un cottage au bord de la mer, c’est quoi ta journée idéale ? Une bande son pour l’accompagner ?
On commence par un bon English breakfast avec des hashbrowns, de délicieuses saucisses végés, des beans, des tomates rôties, des œufs au plat, un peu d’avocat… Tout ce que j’aime ! Ensuite, on part pour une promenade à cheval (autant imaginer avoir un cheval dans ce scénario idéal, tant qu’à faire ahah).
Puis, direction le bourg du petit village voisin : un sandwich dans un coffee shop, un détour par la librairie pour s’acheter un bon livre, et retour à la maison pour préparer des cookies qu’on déguste avec un thé bien chaud (Yorkshire Tea obligé) au coin du feu. On va chercher de bons légumes dans le potager et on prépare une bonne soupe pour le soir. On profite des derniers instants de lumière avec une balade sur la plage, l’air marin qui fouette le visage, avant de finir la journée par une soirée jeux de société autour de la cheminée.
Tu aurais des anecdotes à nous partager sur tes voyages là-bas ?
Ce sont surtout des petites scènes du quotidien, pas forcément spectaculaires, mais qui font vraiment partie du folklore : les routes minuscules où tu serres les fesses constamment, et quand une voiture arrive en face, l’un des conducteurs doit faire marche arrière pendant de longues minutes pour trouver une place où se ranger (toujours avec une politesse incroyable des conducteur·ices anglais·es) ; les chevaux en liberté un peu partout, qui permettent de traverser les champs comme si de rien n’était, ce que je trouve incroyable ; le fait qu’il faut penser à prendre son goûter dès 15 h, parce que tout ferme à 16 h 30 ; ou encore toutes ces grand-mères qui t’appellent « darling »… C’est par forcément très passionnant ahah, mais c’est ce à quoi je pense là dans l’immédiat !
